Chroniques de la Meute Grise, Chapitre 1: Fondation

La Meute Grise, Chapitre 1: Fondation


Notre guilde n'était plus. Le raid nocturne Kurzick avait éradiqué la quasi-totalité de nos forces et, à vrai dire, je ne crois pas qu'il y ait eu d'autres survivants que moi dans le camp. L'aube pointait et les corbeaux sortaient un à un de leur sommeil, stimulés par l'odeur de mort qui règnait. De ma planque, je pouvais aperçevoir les cadavres, c'était une boucherie, tous étaient privés d'un membre ou pourvus d'un trou en guise de poitrine. Tous nos officiers, même notre chef, avaient péris. Foutus Kurzicks, ils nous avaient bien eu! Ces salopards nous harcelaient vainement depuis des mois alors que nous marchions sur leur propre frontière - la frontière de Grenz - et c'est juste au moment du retrait de nos forces que nous nous sommes laissés prendre. Imbécile de Yash, c'était aussi de sa faute, il dirigeait notre retraite et s'est cru en sécurité suite à je ne sais quelle illumination. Il était certes un bon assassin, comme on en trouve rarement même, mais il n'était pas fait pour commander, non seulement par son incompétence, mais aussi car ça lui montait à la tête, il s'est cru maître du monde à la seconde qui suivait sa promotion. Crétin.
Après m'être assuré que personne ne rôdait plus dans les parages, je suis sorti de ma cachette, des mouches me volaient à la gueule et les corbeaux me toisaient chichement, prêts à défendre leur repas. Je me suis décidé à réunir le strict nécéssaire pour voyager, un peu de nourriture, quelques armes et de quoi me couvrir pour l'hiver à venir. Le voyage serait long, par la terre et par la mer, je rejoindrai Istan, ma terre natale. Je n'avais nul autre endroit où aller, désormais...
Plus j'avançais dans le camp, plus ma tristesse grandissait, ainsi que mon dégout. J'avais beau avoir de l'expérience, avoir vu de nombreux massacres et tout ce qui s'ensuit, je ne pus m'empêcher de rendre le peu de nourriture que j'avais ingurgité la veille au soir. Les corbeaux se sont mis à croasser, j'avais la vague impression qu'ils se foutaient de ma gueule. C'aurait été compréhensible, vu la mine que je devais tirer. Mais trop tard, je me suis rendu compte que je n'étais pas leur centre d'interêt, une lame courbe - celle d'une faux - s'appuyait sur ma carotide, je pouvais sentir à quel point elle était aiguisée.
Ce fut une voix féminine qui prit la parole:

"Lâche ta lance, tout de suite, et pose tout ce que t'as sur toi par la même occasion. Un geste de travers et c'est ta mort."

J'ai reconnu la voix, je savais que la femme qui parlait ne plaisantait pas et n'hésiterait pas à m'égorger au besoin. Je me suis executé.

"Bien, maintenant pose tes mains sur la tête, avance toi lentement jusqu'à l'arbre. Des archers t'ont en ligne de mire, n'essaye même pas de fuir où tu le regretteras amèrement."

Que nenni, la connaissais trop bien, elle manipulait le bluff comme personne. Mais une fois encore, je me suis executé. A vrai dire, elle m'aurait rattrapé même sans archer si j'avais fui.
Je me suis retourné, un sourire sincère au visage. La femme écarquilla les yeux, les bras tremblant, elle voulait parler sans y arriver. Je me suis lancé:

"T'as l'air surprise, Sainte. Tu croyais quand même pas que j'allais clamser à cause de ces lavettes?
-T...Tyrias, toi...içi? Qu'est-ce que tu fais dans ce guêpier, à gerber à droite et fouiner à gauche? Les Kurzick rôdent à moins d'une dizaine de kilomètres d'içi, ils ont repris la frontière de Grenz et traquent d'éventuels survivants.
-Je te retourne la question, tu fous quoi dans le coin? Je te croyais dans les Cimefroides, en quête d'une quelconque relique naine avec tes copains chasseurs de trésors. Quant à moi, ma guilde a été dépéchée au front par les chefs Luxons, ça fait trois mois qu'on tient la frontière de Grenz avec l'aide de quelques autres clans. C'est devenu trop dur, on a reçu l'ordre de se replier jusqu'a la plage des Embruns. Y a eu ce connard de Yash qu'était responsable des opérations. Tu le connais, il n'est bon qu'à tuer, il n'est pas fait pour commander. Il a tout foiré, on s'est fait surprendre par un groupe de Kurzick, j'suis le seul survivant...